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Titre: Le Docteur Festus [Voyages et aventures du Docteur Festus]
Auteur: Töpffer, Rodolphe (1799-1846)
Date de la première publication: 1840
Lieu et date de l'édition utilisée comme modèle pour ce livre électronique: Paris: Garnier, [1860]
Date de la première publication sur Project Gutenberg Canada: 5 janvier 2013
Date de la dernière mise à jour: 5 janvier 2013
Livre électronique de Project Gutenberg Canada no 1031

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[Note du transcripteur: La bande 18 manque dans notre document source, et par conséquent dans cette édition numérique]







LE DOCTEUR FESTUS

NOTE DU TRANSCRIPTEUR: Pour faciliter la lecture des légendes nous les avons transcrites en caractéres d'imprimerie.
Étant entré un soir dans son écurie le Docteur Festus y trouve un fort joli petit mulet. Ayant attendu quatre ans, pour laisser grandir le mulet, le Docteur Festus part pour son grand voyage d'instruction.

Le mulet se trouve être parfait, mais la selle mal sanglée. Avant de se coucher, le Docteur veut rédiger ce qu'il a vu, mais il réfléchit qu'il n'a rien vu. Désireux pourtant d'avoir vu quelque chose, le Docteur descend à la cuisine, réveille l'hôte et lui demande où sont les curiosités de l'endroit.--L'hôte lui répond: Vous montez cet escalier, vous tirez sur la gauche, et vous les avez là devant vous.

Malheureusement le courant d'air éteint la lumière au moment ou le Docteur allait jouir du spectacle. Renonçant pour ce jour à toute curiosité, le Docteur gagne son lit. Mais il se trompe de chambre, et se couche dans la grande malle de Milady.

A une très-forte aspiration du Docteur, le vide se fait et la malle se ferme. Jean Baune, le repris de justice, et Pierre Santana, vagabond qui cherchaient un coup à faire, volent la malle de Milady et l'emportent à travers champs. Milady ayant porté plainte, le maire dresse procès verbal pendant cinq heures d'horloge, et il conclut, des habits du Docteur qui sont restés dans la chambre, que le voleur doit être en chemise.

Après quoi, le civil achevé, il réunit la force armée, composée de George Blême, dit La Mèche, et de Joseph Rouget, dit l'Amorce, et il se met à la poursuite du voleur. Cependant Milord qui venait pour rejoindre son épouse, est dévalisé par Jean Baune et Pierre Santana qui chargent la malle sur son cheval et le laissent en chemise dans le bois.

Voyant un homme en chemise, le Maire commande d'attaquer à l'arme blanche et il attend avec confiance le succès de sa manoeuvre. La force armée s'enferre dans l'arbre, et Milord ayant ramassé un sauvageon noueux, exécute à son tour une manoeuvre.

Pendant ce temps le Docteur Festus continue son grand voyage d'instruction. Milord s'étant vêtu des habits du Maire reprend sa route. La force armée suit l'habit.

Cependant Milady ne voyant pas arriver Milord, monte le mulet laissé par le Docteur Festus et part pour aller à sa rencontre. Elle est bien surprise de trouver sur son chemin le Maire en chemise. Le maire broyé par ses devoirs administratifs et n'osant reparaître en chemise dans sa commune, se décide, contrairement à toutes ses habitudes de légalité, à abattre Milady d'un coup de sauvageon, et à s'emparer de ses habits.

Cependant Jean Baune et Pierre Santana, arrivés dans un endroit écarté, ouvrent la malle et ils tombent à la renverse d'épouvante, en voyant qu'il ont volé un homme. De son côté le Docteur trouvant à ces gens mauvaise mine, leur passe sur le corps et vient se cacher dans les foins de George Luçon.

Arrivé sur les bords de la rivière d'Eaubelle, Milord se dépouille de ses habits, et s'y baigne avec délices. La force armée voyant Milord d'un côté, l'habit de l'autre sent bien (il y a un instinct dans les masses) que son véritable chef est au saule, et, s'éloignant à dix pas, elle garde une exacte discipline. Un souffle de vent ayant soulevé la manche droite, la force armée fait demi-tour à gauche, pas accéléré.

Sur un nouveau mouvement, la force armée fait halte, et présente armes avec une étonnante précision. Le vent ayant beaucoup fraîchi, la force armée fait la charge en douze temps, reprend l'arme au bras, croise la baïonnette et s'avance au pas de charge.

Le chapeau étant tombé, la force armée se jette contre terre et demande quartier. Cependant Milady, en chemise, qui venait pour se noyer de désespoir, trouve l'habit et s'en revêt; après quoi elle se dirige sur une ferme pour s'y reposer, et la force armée suit l'habit.

Cependant George Luçon, dit le Trèfle, fait ses foins et le Docteur est hissé sur le char. D'où il est hissé dans la fenêtre.

Où il voit milady qui s'y repose, et la force armée qui attend des ordres. Après avoir réfléchi, le Docteur Festus croit pouvoir s'emparer d'un habit d'homme sans faire tort à un sexe aimable et digne de protection, en sorte qu'il s'en revêt et reprend son voyage d'instruction, jusque là si heureusement commencé.

Cependant Milord, après s'être baigné avec délices, regagne la rive, où il ne trouve plus ses habits, et se met aussitôt à la poursuite du voleur. Les ayant trouvés sur le dos du Docteur, il s'apprête à les reprendre et lui faire un mauvais parti, mais la force armée défend l'habit à l'arme blanche.

Sur quoi Milord saisit un sauvageon et s'occupe d'abord de la force armée. Et le Docteur Festus profite du quart d'heure pour se cacher dans le tronc d'un arbre miné par les ans.

[Note du transcripteur: La bande 18 manque dans notre document source.]

Et les paysans lui lancent des carottes parce qu'elle couche les seigles. Le maire qui voit cela d'une hauteur voisine en est profondément mortifié. Et étant venu se poster en face des délinquants: Gredins... leur dit-il. Mais la force armée ne voyant pas l'habit, lui passe sur le ventre.

Le Maire affligé et meurtri tâche de gagner une ferme. Et il se présente à celle de George Luçon qui lui ouvre la fenêtre où il s'endort profondément. Milady qui vient de se réveiller, croit ne pas faire de tort au Maire en lui reprenant ses habits.

C'est ce jour là que le Maire fit un grand rêve moral. Il se voit d'abord élu dans une commune modèle, où il est assis sur vingt-six volumes d'Archives, constatant l'acquisition par ladite de trois fontaines coulantes, de vingt pieds de haie vive, et deux chemins vicinaux, le tout par prescription ou saisie, tant sur le propriétaire que les hoirs. Venait ensuite un procès-verbal de huit pieds de haut, qui danse la maillote avec la Déesse Thémis, pendant que cette Déesse lui a confié à lui Maire, sa balance.

Il voit ensuite trois cents huissiers en robe courte qui chantent les cinq codicé sur l'air de Marlborough, avec une plume de paon sur l'oreille gauche, et un exploit en façon de jabot. Il voit ensuite trois mille cinq cent quatre textes de la loi encore inconnus qui cuisent dans une marmite de parchemin, dont soixante deux clercs lèchent les bavoirs, pour attraper la bouillie descendante.

Mais au milieu de la fête, il voit --- qui fume la pipe auprès d'un magasin à poudre, bouffant la fumée dans les yeux d'un respectable caporal à chevrons. Alors, ne pouvant se maîtriser le Maire s'élance sur les délinquants pour les arrêter lorsqu'il est arrêté lui-même comme suspect d'être le voleur en chemise que cherche la police.

Conduit en prison, le Maire y rêve à son titre. Cependant André Luçon, scieur de long, voulant travailler son métier pour le sieur Taillandier qui refait sa toiture et plancher son fenil, vient trouver son frère George Luçon, et fait pacte avec lui pour des pieds de chêne qui sont dans son bois. André Luçon, levé dès l'aube, vient au bois et fait abattre un pied de chêne.

Le chêne est tiré par six paires de boeufs de la race de Schwitz jusque devant la maison du sieur Taillandier, et le Docteur reprend ainsi le cours de son grand voyage d'instruction, jusque là si heureusement commencé. Et ayant été mis en travail, on en fait des planches pour le fenil du sieur Taillandier.

Au trente deuxième coup la scie mord l'orteil du Docteur qui pousse un énorme cri en vingt-deux langues. A ce cri, le sieur Taillandier tombe dans un baquet de chaux maigre, et le scieurs de long s'en vont porter la nouvelle d'un arbre parlant dans les hameaux de Peretières et de Coudraz. Le Docteur Festus trouve prudent de sortir de l'arbre, mais il trouve suspecte la figure du sieur Taillandier qui est blanchi de chaux maigre.

En sorte qu'il s'enfuit au plus tôt. D'autre part ceux de Coudraz et de Peretières accourent, le curé en tête, pour exorciser. Mais à la vue du sieur Taillandier qui hurle tout blanchi de chaux maigre, ils le prennent pour le Diable blanc; et rebroussent au plus tôt, le curé en queue.

A l'ouïe de tant de chahut, le Docteur entre de plein saut dans le grenier à blé de Samuel Potret, où il se déguise en sac de blé pour n'être pas reconnu. Le lendemain, Samuel Potret charge le sac sur son âne, et prend le chemin du moulin. De cette façon le Docteur Festus continue son voyage d'instruction jusque là si heureusement commencé. Son âne qui a ses idées à lui, ne voulant pas passer le ruisseau, Samuel Potret frappe ferme au grand détriment du Docteur.

Le Docteur ayant poussé un immense cri en vingt-deux langues, Samuel Potret s'enfuit à tire de jambe, et l'âne s'en va paisiblement au moulin, paissant aux herbes, et philosophant au soleil. Voyant arriver l'âne, Claude Thiolier, dit Benaiton décharge le sac en disant à Gamaliel de tout préparer pour moudre le lendemain.

En entendant ce propos, le Docteur Festus veut prendre la fuite, et Claude Thiolier, dit Benaiton, croit que le diable l'emporte. Le sac tombe, Claude Thiolier s'en va quérir du secours, et Gamaliel se cache derrière un van, où il dit Ave.

La meunière revenant des champs avec ses huit cochons d'Irlande trouve le sac par terre et le traîne dans le moulin. Mais le sac s'étant fortuitement dénoué, le Docteur Festus met le nez à l'air et admire la beauté du paysage, tandis que la meunière tombe sur le nez et se casse trois dents, dont deux incisives et une oeillère.

Entendant le village qui arrive, Thiolier en tête, le Docteur Festus enjambe la Meunière et saute dans le moulin, sans être aperçu. La Meunière disant n'avoir rien vu, les paysans cognent de leur fourche Claude et Gamaliel comme poltrons et couards, prenant sacs pour démons, et grains de blé pour charbons d'enfer.

Quand le village s'est éloigné, Claude Thiolier bat sa femme pour avoir dit qu'elle n'a rien vu. La Meunière bat le garçon pour avoir dit qu'il a vu quelque chose. Le garçon bat l'âne pour avoir causé tout ce mal. Après quoi la paix revient dans le moulin.

Cependant le Docteur Festus qui s'est caché dans le comble du moulin, soulève quelques tuiles et met le nez à l'air. La force armée qui se trouve sous le vent de l'habit, manifeste quelques symptômes de discipline. Faute d'échelle, le Docteur Festus décide de descendre le long de l'aile qui commence à tourner. La force armée qui voit l'habit reprend sa discipline et double le pas.

Et elle s'accroche aux autres ailes pour le rattraper. Le vent ayant considérablement fraîchi, les ailes tournent avec tant de vitesse qu'elles ne sont déjà plus visibles. C'est ce qui fait que les huit cochons d'Irlande s'acheminent pour paître l'herbe qui a crû dessous. Les huit cochons d'Irlande ne paissent pas l'herbe, mais ils sont lancés au plus haut des airs.

Et au bout de trois semaines ils tombent dans le lac l'Eaubelle, au nombre de vingt-huit, car les femelles ont mis bas durant la traversée. L'ouragan étant devenu inévitable, le Docteur Festus est lancé par la tangente à une élévation où aucun Docteur n'est parvenu ni avant ni après lui. La force armée suit l'habit. Cependant privée de son Maire et de la force armée, la commune enfreint les règlements, brûle les bois communaux, et met l'Hôtel de Ville en cabaret.

Louis Frelay chasse par les seigles sans permis, disant avoir le droit de tirer sur les moineaux. Claude Roset lui entame le mollet de sa faucille, disant avoir le droit de couper son seigle. Le garde champêtre les arrête tous les deux, disant avoir le droit de les mettre à l'amende.

Sur quoi, les Frelay et les Roset étant accourus, ils maltraitent le garde champêtre disant avoir le droit de défendre leurs parents. Les autres de la commune ayant pris parti les uns pour les Roset, les autres pour les Frelay, il s'ensuit une mêlée universelle au grand détriment du seigle. Au plus beau moment on aperçoit l'habit et la force armée cheminant au haut des airs d'orient en occident. Toute la commune s'écrie: C'est le Maire! et elle court à sa suite, sans le perdre des yeux.

Cependant le Maire, pressé par ses besoins administratifs, quitte pour un instant ses habitudes de légalité, casse sa cruche sur la tête du geôlier, lui prend ses clés, et s'échappe de la prison. Et comme il regagne sa commune, il croit la voir qui accourt pour se jeter dans ses bras. «Chers Administrés! leur dit-il ....» Mais la commune qui regarde en l'air lui marche sur le ventre et passe outre.

Et, arrivée au bord du grand canal, elle y tombe, faute de voir son chemin et s'arrêter à temps. C'est depuis ce temps que l'autorité a fait mettre dans cet endroit une forte barrière qui s'y voit encore dans les basses eaux.

Cependant Milady, après avoir recouvré ses habits, prend le parti de retourner à l'hôtellerie pour y attendre Milord. Mais à sa grande stupeur, elle ne retrouve plus dans la commune une âme vivante, excepté l'âne de Julien le borgne, qui lèche la boîte à sel. Repartie en toute hâte pour l'Angleterre, Milady est arrêtée, faute de papiers, à la frontière de Vireloup, et l'on saisit sur elle un carnet contenant dix pages de chiffres suspects qui sont les notes de sa blanchisseuse. Elle est en conséquence écrouée à la prison royale de Vireloup, sous le nº 36. Cependant le Maire s'étant relevé à grand'peine, fait d'amères réflexions sur le sort des grands ici-bas, et aigri par la conduite de ses administrés, il se décide à s'exiler.

Tout en s'exilant, le Maire arrive à la frontière de Vireloup, où il est fouillé sévèrement, et on lui demande s'il n'a rien à déclarer. Le Maire n'ayant point de papiers, est arrêté comme suspect, et écroué sous le nº 36 où il est mal accueilli par Milady qui le reconnaît fort bien.

Cependant Milord, las de parcourir la contrée en cherchant inutilement ses habits, prend le parti de rejoindre Milady à l'hôtellerie. Mais à sa grande stupeur il ne trouve pas une âme vivante dans toute la commune, si ce n'est l'âne de Julien le borgne, qui lèche la boîte à sel. Reparti en toute hâte pour l'Angleterre, Milord arrive à la frontière de Vireloup, où il est fouillé sévèrement, et on lui demande s'il n'a rien à déclarer. Milord n'ayant point de papiers est arrêté comme suspect et écroué sous le nº 36, où il trouve le Maire et l'accule sur la cruche parce qu'il le reconnaît fort bien.

Cependant la Commission chargée d'examiner les pièces saisies, étudie les chiffres de la blanchisseuse, trouve la clé de cette correspondance secrète, et découvre une vaste conspiration ramifiée. Informé des dangers qu'a couru le Trône, le Roy de Vireloup prend mal, et la Reine aussi. Après quoi il ordonne par un édit que la chose publique n'ait à souffrir aucun détriment dans sa personne.

Milord, Milady et le Maire, condamné à être pendus, sont acheminés militairement sur la Capitale. Mais par un admirable enchaînement de circonstances, la force armée que le poids des armes a fait graviter plus rapidement que le Docteur, vient se ficher dans la poitrine des deux gendarmes, et les bat complètement. Les prisonniers se hâtent de fuir.

La force armée se défiche et s'en va pleine de gloire, mais sans discipline, malheureusement. Cependant le Docteur Festus étant resté en l'air, l'Astronome Guignard qui habite en Grande-terre (c'est un grand royaume insulaire, au nord du Ginvernais) découvre par delà le Capricorne un nouveau corps céleste qui ne lui paraît qu'à trois mille milliards de lieues de la terre. Aussitôt l'Astronome Guignard convoque la Société Royale pour lui communiquer sa découverte et dans un discours de trois heures de long, il prouve jusqu'à l'évidence que le nouvel astre est une comète opaque.

Pendant que l'Astronome Guignard fait sa démonstration, le Docteur Festus vient s'échouer dans le télescope. Ce qui fait que l'Astronome Guignard retourné à l'exploration, découvre que son corps céleste n'est plus qu'à six milliard de lieues de la terre et il ---- ---- ----. Pendant que l'Astronome Guignard sonde -- -- ----, l'Astronome Lunard dans un mémoire, parfaitement écrit prouve jusqu'à l'évidence que bien au contraire, le corps en question est un aérolithe ferrugineux et lunaire. Évidence que Guignard a du -----.

Dans une improvisation --- l'Astronome ---------prouve jusqu'à l'évidence que bien au contraire, le corps en question est le nébuleuse qui a déjà été vue par Soygène, sous Jules César. En sorte que Guignard et Lunard ont du ------. -------------Guignard étant venu soutenir sans doute que l'astre n'est plus qu'à six milliard de lieues de la terre, tous les savants prennent mal au ventre et s'en vont faire leur testament. En sorte que Guignard a réellement du --------.

Cependant, de l'autre côté du détroit, les Savants de Mirliflis, qui est la Capitale du Ginvernais, ayant reçu communication de la découverte de l'Astronome Guignard, cherchent dans tout le Zodiaque l'astre nouveau qui n'y est déjà plus.

L'Institut est convoqué pour une réponse à faire et l'Astronome Pevadar propose de répondre 1º que le Ginvernais a précédé toutes les nations dans les inventions et découvertes. 2º Que le Ginvernais n'a rien à envier à ses voisins. 3º Que tout au contraire, il n'y a jamais eu moins d'astres au Zodiaque que dans ce moment. Il est vivement applaudi par les savants qui ont chacun un emplâtre sur l'oeil droit pour avoir trop regardé le Zodiaque. La société Royale pense que l'Institut s'est fourvoyé faute de bons instruments, et elle lui expédie le grand télescope de Guignard escorté des trois Commissionnaires Guignard, Lunard et Nébulard. En sorte que le Docteur Festus continue son voyage d'instruction, jusque là si heureusement commencé.

Au milieu du détroit, le paquebot saute et le télescope est lancé à une hauteur prodigieuse. L'Astronome Apogée, savant Ginvernais qui se promène à l'oeil nu dans son jardin aperçoit le nouveau corps céleste. Ses vingt-huit observateurs salariés qu'il emploie à regarder le ciel jour et nuit l'aperçoivent pareillement.

Ayant aussitôt fait seller sa jument, l'Astronome Apogée galope à Mirliflis, sans perdre son astre de vue. L'Institut convoqué immédiatement, s'assemble en toute hâte.

«Une planète immense!... opaque!... fortement habitée!... Un satellite!!!!!...... Tout l'Institut, par un mouvement spontané se lève en criant: Un satellite...... Vive le Roi!!!!!...... Arrêté, séance tenante: Que la priorité de la découverte appartient au Ginvernais, soit à cause du satellite qui en fait tout le prix; soit, éventuellement, parce que Guignard est le fils d'un père qui descend d'un aïeul dont le grand-père maternel a épousé la nièce d'une particulière de Mirliflis.

Cependant Milord et Milady se rendent sur le paquebot qui doit les traverser en Angleterre. Cependant le Maire dégoûté de l'exil par ses dernières aventures, reprend à pied le chemin de sa commune. Le télescope projetant une ombre qui accompagne le Maire, celui-ci en prend de l'ombrage et se retire dans le bois pour lui laisser prendre les devants.

Après quoi, pour égayer le voyage, le Marie achète à crédit du papier timbré, et s'asseyant sous les ombrages, il interroge des témoins possibles, et il rédige des procès-verbaux fictifs. Mais sentant l'inanité de ses considérants, le Maire n'y goûte aucun charme, en sorte que son existence le dévorant, il lui vient à l'esprit des projets sinistres. Ayant emprunté le sabre d'un Caporal à chevrons, le Maire ouvre sa chemise et tire sur son sein l'arme fatale.

Puis se souvenant qu'il se doit à ses administrés, il rejette l'arme avec horreur. Puis se souvenant qu'il n'a plus d'administrés, il ressaisit l'arme et la dirige sur son sein avec une nouvelle rage. Puis n'apercevant personne pour constater le décès, apposer les scellés, et procéder à l'inhumation, il renonce à son projet, et reprend le chemin de sa commune.

Cependant Guignard ayant voulu soutenir de cinq arguments nouveaux son hypothèse d'une comète opaque, il a contre lui Lunard et Nébulard qui le poussent au pied du mur. Guignard ayant eu le dessous, chute. Heureusement le Docteur Festus est là qui le tire à lui par le collet. Mais Lunard voulant à son tour soutenir son hypothèse, il a contre lui Nébulard. Les deux Astronomes s'étant empoignés sur l'hypothèse, chutent. Heureusement le Docteur Festus est là, qui les tire à lui par le collet.

La discussion continue à l'intérieur si vivement que le Docteur Festus croit devoir y demeurer étranger. Cependant Milord et Milady passent le détroit. Le Capitaine ayant regardé en l'air voit une trombe solide qui arrive dans la direction du paquebot et il ordonne de forcer la marche. La trombe approchant, le Capitaine perd la tête, ferme les écoutilles, et fait jeter dans le feu cinquante-trois boisseaux de charbon à la fois.

Au cinquante troisième boisseau, le navire saute, mais il échappe au télescope qui tombe dans la mer. Heureusement, dès le quarantième boisseau, Milord prévoyant la catastrophe s'est mis en mer sur la cage à poulets, et il gouverne sur le télescope. Mais les poulets lui piquent le ventre avec fureur.

Milord est astonishé beaucoup en écoutant sortir du télescope un grand cliquetis d'hypothèses. Cependant Monsieur et Madame Apogée, après une nuit délicieuse, sont réveillés par un bruit de vingt-huit mâchoires qui craquent de consternation.

Ce sont les vingt-huit observateurs salariés qui viennent annoncer à M. Apogée en caleçon, et à Madame Apogée en peignoir, que l'astre n'y est plus...... A cette nouvelle, Monsieur Apogée, comme il arrive dans le passage de l'extrême joie à l'extrême douleur, perd momentanément l'esprit et il se met à chanter cette ronde:

Lise entends-tu l'orage
Il gronde, et l'air mugit
Sauvons-nous au bocage, etc.

et celle-ci:

Je n'irai plus seulette à la lande
Car j'ai trop peur du berger.

Puis il force Madame Apogée à danser le menuet. A la cinquième révérence, il plante là sa femme, saute dans le jardin, et escalade le grand pommier dont il cueille les pommes avec une activité vraiment fébrile.

Madame Apogée ordonne aux vingt-huit observateurs salariés de porter grande échelle et d'aller ôter leur maître de dessus le pommier. Quand Mr. Apogée les voit tous sur les échelons, il pousse l'échelle du pied, et les vingt-huit observateurs salariés tombent, le dos dans le gazon, et l'échelle sur le ventre.

Alors Monsieur Apogée leur lance ses pommes sur le nez, et les vingt-huit prennent la fuite en criant: Sauve qui peut!.... A cette vue Monsieur Apogée rit avec une telle véhémence, qu'entrant en faiblesse, il tombe du pommier sur le terreau, où il reste empreint comme un bronze dans du plâtre frais. C'est là que Madame Apogée en peignoir retrouve son époux en caleçon.

La chute et la fraîcheur du terreau ayant produit une révolution dans le sang, Mr. Apogée revient à la raison mais pour être en proie à une tristesse amère et profonde. On essaie, mais sans succès, de frictionner Mr. Apogée avec des étuis de lunette en peau de chagrin.

Madame Apogée tâche d'agir sur le moral en disant: Console-toi, Salomon, il en viendra d'autres.... En se couchant, Mr. Apogée sent que c'est là...... En se levant, Mr. Apogée congédie définitivement ses vingt-huit observateurs salariés qui venaient prendre ses ordres pour la journée.

Après quoi, Mr. Apogée dépérit malgré les secours de l'Art et les consolations de l'amitié. Et il meurt le dix Août, à quatre heures, d'un astre rentré.

Cependant le télescope poussé par une brise du Nord Ouest rebrousse vers le Ginvernais, où il échoue sur la côte. Milady prend terre et aussi Milord qui croit reconnaître sur le dos du Docteur l'habit qu'il a tant cherché. Voyant Milord qui se dispose à boxer, le Docteur Festus prend la fuite et se cache pendant deux jours dans un plant de pois-gourmands. Après quoi Milord et Milady marchent le long de la côte, jusqu'au port de Sustan, où ils s'embarquent de nouveau pour l'Angleterre.

Cependant les trois commissaires sortent du télescope sans cesser de sophistiquer contradictoirement au sujet de leurs trois hypothèses respectives. Ils sont rattrapés par la marée montante qui les ramène dans le détroit. Heureusement la discussion, en produisant des mouvements natatoires les maintient à la surface.

Cinq jours après, ils sont pris au filet par des pêcheurs de Rondeterre. Les pêcheurs passent deux jours à les détortiller des mailles, et ils trouvent leurs poches pleines de harengs.

Abandonnés sur la rive, les trois Commissaires s'avancent dans l'intérieur, sans cesser de sophistiquer contradictoirement, ce qui effraie les troupeaux. A Lowalls, ils troublent le service divin.

A Brigby ils sont mis au violon pour tapage diurne et nocturne. Après quoi, ils sont rendus à leurs familles, et ils meurent tous les trois dans un âge peu avancé, d'une hypothèse rentrée.

Cependant la commune de Primalasse qui est près de la mer en Ginvernais, voulant refaire son clocher, par rapport aux événements politiques qui en demandent un tout neuf, le Conseil Municipal en délibère. Pendant que le Conseil Municipal en délibère, Jogues André mène baigner sa bête à la mer, et ayant vu le télescope qui lui ouvre la gueule, il s'enfuit au grand galop, croyant que ce soit le cachalot du Malabar.

On bat la générale dans la commune et ils viennent en armes au rivage où voyant de loin la bête, ils lui tirent dessus durant neuf heures d'horloge, attendant qu'elle ferme la gueule pour s'en approcher sans risque. Comme ils n'avancent rien, quatre déterminés s'en vont à deux lieues de là pour s'embarquer sans être vus du monstre, puis faisant un grand contour pour venir l'examiner par derrière, ils s'écrient: Miracle! C'est un clocher!!.... Alors la commune approche sans crainte, le Curé en tête, qui prend possession au nom de l'Église.

Le clocher est hissé sur l'Église, et l'on processionne en l'honneur de St. Clochard, l'auteur du miracle. Cependant trois pêcheurs pêchent à la ligne les trois perruques des trois commissaires, et ils les portent au Maire de l'endroit pour lui demander ce que ça peut bien valoir.

Le Maire leur dit que c'est des bêtes d'eau salée, et qu'il y a quelque chose à gagner, mais il ne leur en offre rien, en sorte qu'ils vont à Prévot l'Écrivain public. L'Écrivain public leur dit que c'est des fausses couches de Baleine, et que ça ne vaut rien à manger, par rapport à ce que ça n'a pas eu son excroissance, et qu'on ne mange le veau qu'après huit mois. En sorte que, moyennant trois sous, il leur écrit une lettre pour Favias le Botaniste, qui demeure à huit lieues de là. Favias le Botaniste leur dit que c'est une pulpe filamenteuse qui a recouvert une noix du Maisispi, et il leur en donne deux écus patagons.

Favias le Botaniste part pour Mirliflis et va droit à Mr. Dubalay, conservateur en chef des Musées Royaux, qui trouve que c'est trois magnifiques crustacés, non encore classés, et qui les achète pour douze écus patagons la pièce. Mr. Dubalay, moyennant mille écus la pièce, en enrichit le Musée, où ils font l'admiration des Étrangers de marque. Cependant le Maire à mesure qu'il approche de sa commune, à mesure aussi se sent plus de drôlerie et de félicité.

Mais n'y retrouvant âme vivante, excepté l'âne de Julien le borgne qui lèche la boîte à sel, le Maire ploie sous le faix, perd toute dignité, et parcourt toutes phases de la démoralisation. D'abord, le Maire s'étourdit dans les plaisirs, et il se donne à lui-même un grand bal dans la salle de l'Hôtel de Ville, ayant pris les rafraîchissements dans la boutique de Frelay, l'Onde qui vient de l'anisette et du pain d'épices. Ses fêtes durèrent huit jours. Ensuite le Maire se livre à la boisson, s'étant établi chez Roset, au grand Pressoir, où il met tous les tonneaux en perce, et boit aussi du bouché.

Ensuite le Maire se livre à l'extrême dévotion, se faisant hermite dans le fond d'une bosse défoncée, et se fustigeant d'un trousseau de clés huit fois le jour. Ensuite le Maire se livre aux raffinement d'une mollesse efféminée, se mettant des papillotes dès l'aurore, et allant s'étendre du matin au soir sous l'ombre énervante des platanes.

Ensuite le Maire se livre à l'amour des richesses et il privatise dans l'exercice de ses fonctions; s'adjugeant à tout bout de champ les immeubles de ses administrés par prescription ou défaut. Ensuite le Maire s'ennuyant de sa richesse recoure aux émotions fortes. Il met le feu aux quatre coins du village, après avoir jeté la pompe à feu dans un puits; après quoi il sonne lui-même le tocsin pendant cinq jours consécutifs.

Au bruit de la cloche, le Maire revient à la raison; d'où il est sur le point de perdre l'esprit, tant il se repent d'avoir profané son caractère. S'étant choisi une cave en façon de catacombe, il s'y ensevelit durant quinze jours dans une douleur muette et profonde. Après quoi voulant se procurer des administrés pour reconstituer sa commune, il prend une bêche et se dirige vers la grande route. Arrivé sur la grande route, le Maire y creuse tout au milieu, une fosse de sept pieds de profondeur, sur cinq de large.

Après quoi, ayant placé sur la fosse un treillis d'osier recouvert de terre, le Maire s'embusque, pour voir venir et être tout prêt. Cependant, au bout de deux jours, le Docteur Festus quitte le plant de pois-gourmands et se remet en route. La force armée qui se trouve dans le voisinage sent l'habit et double le pas.

Croyant s'apercevoir qu'il est poursuivi par deux hommes armés, le Docteur prend la fuite, et la force armée suit l'habit. Tous les trois tombent dans la fosse du Maire de qui la joie est grande. Avant toute chose le Maire exige qu'on lui rende l'habit dont il se revêt incontinent avec une inexprimable félicité.

Incontinent aussi, le Docteur saisit l'habit par les pans, entraîne le Maire dans la fosse, grimpe le long de son dos et s'échappe au plus vite. Le maire, pour se dédommager de ses longues privations commande la manoeuvre, durant douze heures d'horloge, dans la fosse même. Après quoi, réfléchissant qu'il ne dispose plus d'un seul administré, le Maire se voue à la carrière militaire, et il part en marquant le pas.

Le Maire continue pendant trois années à parcourir le pays à la tête des ses forces, couchant à la belle étoile, et marchant le chef nu, comme Trajan, car il a perdu son chapeau. Et il serait mort dans un âge très avancé sans sa grande manoeuvre normale dans laquelle, après neuf heures de marches et contremarches, il commanda tout à coup le pas de course au bord du grand canal, de façon qu'ils y tombèrent tous les trois.

Et ils ont été enterrés sous le Saule des Pierrettes, en face du roc de Mortaise derrière l'écluse du grand canal. Cependant le Docteur retrouve sur la lisière du bois son mulet qui, se sentant son maître sur le dos, reprend au galop le chemin de l'écurie.

En approchant de l'écurie, le mulet fait une telle pétarade de joie que le Docteur lancé en l'air retombe sur un poirier où il demeure accroché et évanoui. Le fermier du Docteur et son fils Jean étant venus pour cueillir les poires, décrochent leur maître, et le transportent dans son lit. Le Docteur revenu à lui le lendemain matin, s'imagine qu'il n'a pas quitté le logis, et, tout en contemplant l'Aurore, il songe au beau rêve qu'il a fait.

Fin des Voyages et Aventures du Docteur Festus.







[Fin de Le Docteur Festus, par Rodolphe Töpffer]